dimanche 20 mars 2022

Les petites chroniques de l'ARF : Mme Jacquemain-Duboutoir et la chapelle Ste Elisabeth

 

Les petites chroniques de l’ARF


   Mme Jacquemain-Duboutoir et

  la chapelle Ste Elisabeth

 

 

En 1792, les administrateurs du district de Montargis mirent en vente l’ensemble des bâtiments conventuels de l’abbaye de Ferrières devenus biens nationaux depuis le 2 novembre 1789, à l’exception à la demande de la ville de Ferrières, de la chapelle N.D. de Bethléem et de l’église abbatiale St Pierre St Paul.

chapelle Ste Elisabeth côté cour du couvent



















Mme Jacquemain-Duboutoir est devenue l’acquéreur le 2 avril 1792 de l’ensemble de ces bâtiments.

Née Marie Françoise Desgouttes, Mme veuve Pierre Stanislas Jacquemain-Duboutoir n’est pas une inconnue à Ferrières. Son mari, fils d’un échevin de Montargis, descendait de Jean Jacquemain, fondateur de l’hospice de Ferrières ; sa belle-mère est de la famille Durzy de Montargis ; son père Jean Baptiste, mort quand elle avait dix ans, commandait la milice bourgeoise de Montargis ; sa mère Marie Magdeleine Bordier appartient à une des principales familles de marchands tanneurs ferriérois. Son fils Stanislas sera à Montargis un des membres les plus actifs du comité révolutionnaire sous la terreur et sa fille Louise Eugénie épousera en 1794 Claude Pelvilain, le curé de Ferrières.


Sous l’impulsion de son fils, les démolitions se font très vite, concernant d’abord le palais de l’abbé et le grand cloître, qui correspondent aujourd’hui au parking de la mairie.

Elle habite dans le reste des bâtiments.

En 1818, elle éprouve le besoin de vendre une partie de ses acquisitions. Elle vend ainsi la grange aux dîmes et les bâtiments de la petite cour[1], puis les grandes écuries des hôtes place du couvent, qui seront appelées ensuite improprement la « grange aux dîmes », occupée dernièrement par une poterie.

Suit la vente de la chapelle Ste Elisabeth.

Cette chapelle qui avait servi autrefois aux abbés, était alors désaffectée depuis longtemps et servait de cave. C’était « une vinée ». Elle est en effet particulièrement fraîche. Elle occupe la position que nous lui connaissons ; au sud vers l’ancien petit cloître, au nord vers la place du couvent ; elle est enclavée entre la sacristie de l’abbatiale et la « maison Cohen ».

La vente a eu lieu le 9 juin 1818, en l’étude de Me Gatien Guyon, Grande rue (aujourd’hui N° 8). L’acquéreur est Amant Aubert « propriétaire demeurant à Ferrières »[2].

 


Porte Pougier






Enclavé, le bâtiment n’est pas facile d’accès ; on y pénètre à partir du petit cloître par une porte de chêne à deux battants[3]. Une fenêtre s’ouvre sur la cour du couvent qui appartient à Mme Duboutoir. Ce bâtiment est « vouté en arcades », avec « un grenier au-dessus, non carrelé » et couvert en tuile auquel on accède « au moyen d’une échelle par une lucarne donnant sur ladite cour ».





Mais pour accéder à sa vinée, le sieur Aubert est obligé de passer par le petit cloître non encore démoli, en empruntant l’escalier qui y mène à partir de la cour du couvent, appelé « l’escalier des douze apôtres » . Il a cependant droit à un tour d’échelle de « un mètre vingt-neuf centimètres neuf millimètres – quatre pieds – tout autour du bâtiment, c’est-à-dire dans le petit cloître et la cour du couvent.


Aubert est propriétaire dès le 9 juin, mais n’aura la jouissance de son bien qu’en novembre, sauf du grenier dont il a jouissance immédiate.

Il acquiert en même temps le petit caveau situé entre la chapelle Ste Elisabeth et la sacristie de l’abbatiale, dit « la prison ». Ce caveau est alors indépendant de la chapelle et s’ouvre directement sur un passage à l’air libre entre Ste Elisabeth et St Pierre, passage dont il a également la jouissance[4]. Ce caveau est situé sous le grand escalier de pierre qui menait du grand cloître au premier étage et que Mme Duboutoir s’engage à ne jamais démolir quel que soit l’acquéreur de la salle du chapitre. Engagement confirmé quelques mois plus tard dans l’acte de vente de ladite salle à Louis Antoine Lesguillon le 1er novembre 1818 devant Me Gatien Guyon.

Des servitudes existent naturellement : le nouveau propriétaire ne doit pas encombrer la cour Nord de la Chapelle, ni l’arrière de la sacristie, ni le petit cloître de manière à gêner la circulation. Les abords de Ste Elisabeth ne doivent pas servir d’entrepôts ! Son droit de passage s’arrête au jambage droit de la porte menant à l’escalier des douze apôtres. A gauche, c’est la propriété de Mme Duboutoir.

En contrepartie, si la démolition du petit cloître intervient, Mme Duboutoir s’engage à payer les frais de remise en état des murs de la chapelle si ceux-ci venaient à être endommagés.

Le sieur Aubert a également droit à emprunter la grande porte du couvent donnant sur la place St Macé pour parvenir à sa nouvelle propriété ; permission valable pour lui et ses héritiers « ses hoirs et ses ayant-cause ».


 

 

Madame Duboutoir ne profita guère de ses acquisitions, démolitions et reventes de l’abbaye. Elle finit sa vie dans la misère, hébergée par charité dans un des bâtiments lui ayant appartenu et s’éteignit le 29 octobre 1826 à l’âge de 81 ans.

Quant à la chapelle Ste Elisabeth, après plusieurs changements de propriétaires, elle fut vendue par le sieur Duchesne en 1875 à l’Evêché d’Orléans qui en fit sous le nom de St Aldric la chapelle du pensionnat qu’il avait installé dans les bâtiments conventuels[5]. Elle retrouva ainsi une éphémère affectation religieuse avant sa reprise définitive par la ville de Ferrières en 1905.

 

Françoise Souchet

                                                              François Petit

 Sources :

-       Archives départementales du Loiret

-       François Ronceray : Histoire de la ville de Ferrières-en-Gâtinais. Manuscrit. Archives de l’ARF.

 

Extraits photographiques de l’acte : Service photographique des archives du Loiret,  N° 14453 et 14456.

 

  ARF : patrimoineferrierois.com ; assrech.ferrieres45@yahoo.f

[1] La cour donnant sur la place des églises à droite en descendant au niveau du monument aux morts.

[2] Amant Pierre Aubert, né à Ferrières le 24 juillet 1769, vigneron, époux de Marie Anne Pépin, décédé le 30 avril 1827.

[3] La porte actuelle, qui après avoir été vendue et installée dans la chapelle du château de Toury, a été récupérée et replacée.

[4] Ce passage a été bouché lors des travaux de 1995 et on accède aujourd’hui au caveau à partir du passage qui a été ouvert la sacristie et la chapelle.

[5] Ce pensionnat a fermé ses portes le 28 juillet 1883.