vendredi 8 avril 2022

Marguerite d'Antioche

 

MARGUERITE  D’ANTIOCHE

 

  Le 11 décembre  2021, un tableau du XVIIème  siècle représentant Marguerite d’ Antioche a retrouvé sa place dans l’église de Fontenay,  après un « purgatoire » de quelques années. L’ARF était conviée à  la cérémonie.


Qui est Marguerite d’Antioche ?

 Nous trouvons la réponse dans « la légende dorée », un ouvrage dans lequel  Jacques de Voragine, un dominicain italien du XIIIème  siècle, archevêque de Gênes, retrace la vie de tous les saints connus à son époque en en compilant tous les écrits. Marguerite (la perle, en latin) naît dans une riche famille noble d’Antioche, à l’époque de l’empereur Trajan-Dèce (249-251). Son père a des responsabilités politiques et religieuses. A sa naissance, elle est confiée à une nourrice, une femme de la campagne devenue chrétienne. La petite est élevée dans cette religion, à l’insu de ses parents. En âge d’être mariée, elle est remarquée par le préfet d’Antioche, Olybrius, qui veut en faire son épouse. Refus de la jeune fille qui avoue être chrétienne et fureur du père. Jetée en prison,  elle est torturée et pressée d’abjurer. Comme elle refuse, on la reconduit dans son cachot qu’une brillante clarté illumine soudain : signe dans les récits hagiographiques de la présence divine. Elle demande alors à Dieu de lui montrer sous quelle forme visible le démon la persécute. Il apparaît sous la forme d’un dragon hideux qui tente de l’avaler mais elle brandit une croix qui le fait mourir et il la recrache…Selon d’autres récits, écrit Voragine, il suffit qu’elle brandisse une croix pour qu’il disparaisse. Le démon lui apparaît ensuite sous les traits d’un beau jeune homme, ami de ses parents. S’ensuit une vive discussion entre la sainte et le démon, la jeune fille  maintenant immobile son interlocuteur sous son pied. Vaincu, celui-ci disparaît. Entre temps, Olybrius n’a pas renoncé à son projet de vaincre la résistance de Marguerite ; peine perdue ; de tortures en tortures, elle résiste. De guerre lasse, il la fait décapiter. Selon les versions, c’est le 7 ou le 20 juillet…

Le tableau suit la légende. Marguerite, fille noble, porte de riches vêtements, un collier de grosses perles autour du cou et une chevelure souple qui laisse retomber une grande mèche sur l’épaule. Elle a une croix de bois à la main, la palme du martyre. Le  dragon se tient de part et d’autre  gueule béante d’un côté et queue fouettante de l’autre. La présence  divine  se manifeste dans les cieux. 

Curieusement, le prénom de Marguerite au XVIIème siècle est peu  donné à Fontenay. Les « Anne » et les « Marie » se taillent la part du lion…En revanche, il est courant à Montargis, Château-Landon et Souppes.

Et Trajan Dèce ?

Monnaie empire romain Trajan Dèce

Né en 201 dans une riche famille romaine, il poursuit une brillante carrière militaire sous le règne de Philippe 1er dit Philippe l’Arabe. C’est l’époque où l’empire romain subit les assauts de nombreux peuples barbares un peu partout sur son territoire. Dèce (Caius Messius Quintus Decius) doit repousser les Goths et les Vandales au-delà du Danube. En 248, il réussit si bien que ses soldats le proclament empereur, à son corps défendant. (C’est courant à cette époque de l’histoire romaine où les empereurs sont élus par leurs troupes en attendant d’être détrônés par des concurrents plus chanceux. Devant cette situation, Philippe l’Arabe entame une bataille où il périt…Dèce devient donc empereur le 29 août 249. Il  a 48 ans.

Ajoutant le nom de Trajan à son patronyme, il entend bien redresser le prestige de l’empire en insistant sur 4 points : le retour aux traditions nationales, la défense du territoire, le partage du pouvoir avec le Sénat et la défense de la religion d’état, d’où la persécution des chrétiens dans tout l’empire. (Ste Marguerite à Antioche, St Denis à Paris et St Saturnin à Toulouse). Mais son règne est de courte durée car il meurt au mois d’août  251 en combattant une fois de plus les Goths alors qu’il a échappé à la peste (venue d’Egypte), qui ravage à partir de 250 toutes les contrées de l’empire.

Quant aux Olybrius, nous en trouvons trois. Le premier est celui de Marguerite, gouverneur d’Antioche au 3ème siècle; le deuxième est un haut dignitaire romain, époux de Galla Placidia la jeune, la fille de l’empereur Valentinien III. Il vit à Byzance. La situation politique et militaire de l’empire l’amènera à devenir empereur d’occident en 472. Le troisième est un avatar du premier. La tradition chrétienne médiévale en fait un gouverneur des Gaules qui conduit au martyre à Alesia vers 250, la jeune Regina devenue Ste Reine. Pas de dragon comme pour Marguerite mais les mêmes échanges verbaux entre les diverses tortures, au détriment du pauvre Olybrius qui voit sa proie lui échapper. Un « mystère » moderne reprenant cette histoire fut longtemps joué à Alise Ste Reine, en Côte d’or, à la fin de l’été.

Ce nom propre a donné dans la langue française le nom commun « olibrius ». Il désigne un personnage fantasque, excentrique,  parfois douteux et peu recommandable, souvent peu apprécié en raison de ses fanfaronnades. Le terme est employé dans l’expression « c’est un drôle d’olibrius ». 


Françoise Souchet Mars 2022