MARGUERITE
D’ANTIOCHE
Le 11 décembre 2021, un tableau
du XVIIème siècle
représentant Marguerite d’ Antioche a retrouvé sa place dans l’église de
Fontenay, après un
« purgatoire » de quelques années. L’ARF était conviée à la cérémonie.
Qui est Marguerite d’Antioche ?
Nous trouvons la réponse dans « la
légende dorée », un ouvrage dans lequel
Jacques de Voragine, un dominicain italien du XIIIème siècle, archevêque de Gênes, retrace la vie de
tous les saints connus à son époque en en compilant tous les écrits. Marguerite
(la perle, en latin) naît dans une riche famille noble d’Antioche, à l’époque de
l’empereur Trajan-Dèce (249-251). Son père a des responsabilités politiques et
religieuses. A sa naissance, elle est confiée à une nourrice, une femme de la
campagne devenue chrétienne. La petite est élevée dans cette religion, à l’insu
de ses parents. En âge d’être mariée, elle est remarquée par le préfet
d’Antioche, Olybrius, qui veut en faire son épouse. Refus de la jeune fille qui
avoue être chrétienne et fureur du père. Jetée en prison, elle est torturée et pressée d’abjurer. Comme
elle refuse, on la reconduit dans son cachot qu’une brillante clarté illumine
soudain : signe dans les récits hagiographiques de la présence divine. Elle
demande alors à Dieu de lui montrer sous quelle forme visible le démon la
persécute. Il apparaît sous la forme d’un dragon hideux qui tente de l’avaler
mais elle brandit une croix qui le fait mourir et il la recrache…Selon d’autres
récits, écrit Voragine, il suffit qu’elle brandisse une croix pour qu’il
disparaisse. Le démon lui apparaît ensuite sous les traits d’un beau jeune
homme, ami de ses parents. S’ensuit une vive discussion entre la sainte et le
démon, la jeune fille maintenant
immobile son interlocuteur sous son pied. Vaincu, celui-ci disparaît. Entre
temps, Olybrius n’a pas renoncé à son projet de vaincre la résistance de Marguerite ;
peine perdue ; de tortures en tortures, elle résiste. De guerre lasse, il
la fait décapiter. Selon les versions, c’est le 7 ou le 20 juillet…
Le tableau suit la légende. Marguerite,
fille noble, porte de riches vêtements, un collier de grosses perles autour du
cou et une chevelure souple qui laisse retomber une grande mèche sur l’épaule. Elle
a une croix de bois à la main, la palme du martyre. Le dragon se tient de part et d’autre gueule béante d’un côté et queue fouettante de
l’autre. La présence divine se manifeste dans les cieux.
Curieusement, le prénom de
Marguerite au XVIIème siècle est peu
donné à Fontenay. Les « Anne » et les « Marie » se
taillent la part du lion…En revanche, il est courant à Montargis, Château-Landon
et Souppes.
Et Trajan Dèce ?
Monnaie empire romain Trajan Dèce |
Né en 201 dans une riche famille romaine, il poursuit une brillante carrière militaire sous le règne de Philippe 1er dit Philippe l’Arabe. C’est l’époque où l’empire romain subit les assauts de nombreux peuples barbares un peu partout sur son territoire. Dèce (Caius Messius Quintus Decius) doit repousser les Goths et les Vandales au-delà du Danube. En 248, il réussit si bien que ses soldats le proclament empereur, à son corps défendant. (C’est courant à cette époque de l’histoire romaine où les empereurs sont élus par leurs troupes en attendant d’être détrônés par des concurrents plus chanceux. Devant cette situation, Philippe l’Arabe entame une bataille où il périt…Dèce devient donc empereur le 29 août 249. Il a 48 ans.
Ajoutant le nom de Trajan à son
patronyme, il entend bien redresser le prestige de l’empire en insistant sur 4
points : le retour aux traditions nationales, la défense du territoire, le
partage du pouvoir avec le Sénat et la défense de la religion d’état, d’où la
persécution des chrétiens dans tout l’empire. (Ste Marguerite à Antioche, St
Denis à Paris et St Saturnin à Toulouse). Mais son règne est de courte durée
car il meurt au mois d’août 251 en
combattant une fois de plus les Goths alors qu’il a échappé à la peste (venue
d’Egypte), qui ravage à partir de 250 toutes les contrées de l’empire.
Quant aux Olybrius, nous en
trouvons trois. Le premier est celui de Marguerite, gouverneur d’Antioche au 3ème
siècle; le deuxième est un haut dignitaire romain, époux de Galla
Placidia la jeune, la fille de l’empereur Valentinien III. Il vit à Byzance. La
situation politique et militaire de l’empire l’amènera à devenir empereur
d’occident en 472. Le troisième est un avatar du premier. La tradition
chrétienne médiévale en fait un gouverneur des Gaules qui conduit au martyre à
Alesia vers 250, la jeune Regina devenue Ste Reine. Pas de dragon comme pour
Marguerite mais les mêmes échanges verbaux entre les diverses tortures, au
détriment du pauvre Olybrius qui voit sa proie lui échapper. Un
« mystère » moderne reprenant cette histoire fut longtemps joué à
Alise Ste Reine, en Côte d’or, à la fin de l’été.
Ce nom propre a donné dans la
langue française le nom commun « olibrius ». Il désigne un personnage
fantasque, excentrique, parfois douteux
et peu recommandable, souvent peu apprécié en raison de ses fanfaronnades. Le
terme est employé dans l’expression « c’est un drôle d’olibrius ».
Françoise Souchet Mars 2022